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samedi 1 février 2014

Marinaleda (Espagne), un îlot d'anticapitalisme

En Andalousie, le maire et les habitants d’une petite ville ont décidé d’appliquer une politique anticapitaliste. Cet article a été publié pour la première fois dans le quotidien espagnol El Mundo.

Si Marx était vivant, il irait vivre à Marinaleda, une petite ville andalouse des environs de Séville, qui n’a pas été touchée par la crise et dont le maire, Juan Manuel Sanchez Gordillo, est réélu sans discontinuer depuis trente ans.
Pour obtenir un tel résultat, l’édile a commencé par l’essentiel : le droit au logement, au travail, à la santé et à l’éducation. « Il nous a fallu trente ans pour en arriver là. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que ce sont nos solutions qui marchent. La spéculation immobilière, elle, ne pouvait rien donner de bon. C’est la cupidité qui a plongé le monde dans la crise. Les gens sont surpris lorsqu’ils voient qu’ici, il n’y a presque pas de chômeurs et que tout le monde a sa propre maison. Mais c’est pourtant ça qui est normal. Ce qui n’a pas de sens, c’est ce qui se fait ailleurs. Et qu’on ne vienne pas me dire que notre expérience n’est pas transposable : n’importe quelle ville peut faire la même chose si elle le souhaite. »
Marinaleda est d’ailleurs devenue à la mode : le New York Times, qui cherchait à démontrer comment certaines recettes marxistes peuvent fonctionner, lui a consacré un reportage.
L’aventure a commencé il y a trente ans, quand les habitants ont décidé d’appliquer à la lettre le slogan « la terre appartient à ceux qui l’exploitent » et de confisquer 1 200 hectares en friche appartenant au duc de l’Infantado, un coup de force qui a valu aux habitants de Marinaleda plusieurs années de lutte, de manifestations et de batailles judiciaires. « Le taux de chômage était très élevé, le peuple avait besoin de ces terres, explique le maire. Nous les avons utilisées pour construire l’usine de conserve de légumes qui fonctionne toujours et qui a presque permis d’éliminer le chômage. Cela a changé la vie de tout le monde ici. »
Le système est simple : les habitants ont créé une coopérative qui ne redistribue pas les bénéfices. « On a tout réinvesti pour créer encore plus d’emplois. C’est aussi simple que cela. Chacun a fait ce qu’il faut pour vivre, c’est tout. » Le salaire des travailleurs (« de tous les travailleurs, quel que soit le poste qu’ils occupent ») est de 47 euros par jour, six jours par semaine, à raison de six heures et demie de travail quotidien – c’est-à-dire 1 128 euros par mois. Mais lesdits travailleurs n’ont pas beaucoup de dépenses, car ceux qui sont inscrits au plan de logement de la mairie paient 15 euros par mois pour leur maison. « Les maisons sont construites sur des terrains municipaux. Celui qui fait la demande s’engage à construire sa propre maison, mais il est aidé par un chef de chantier et un architecte rémunérés par la mairie. Nous avons un accord avec le gouvernement régional d’Andalousie, qui fournit les matériaux. En deux ou trois ans, les travaux sont terminés, la maison appartient à celui qui l’a bâtie, et il n’a plus qu’à payer 15 euros par mois. »
Un prix dérisoire pour une maison de 90 m² qui peut être agrandie au fur et à mesure que la famille s’agrandit.
Le plein emploi et les logements à prix imbattables sont probablement les aspects les plus visibles de la politique municipale, mais Marinaleda réserve d’autres surprises. Par exemple, il n’y a pas de policier.« Nous en avions un, mais nous avons décidé d’économiser ce salaire quand il a pris sa retraite. » N’y a-t-il pas de délinquants à Marinaleda ? « Il n’y a pas de vandalisme, par exemple, parce que tout a été construit par les gens du village. Si un jeune ou son père ou un ami a installé un banc, il n’y a pas de raison de le dégrader ou d’y faire des graffitis, non ? Le fait que les budgets soient approuvés par tous contribue également à l’absence de délinquance. »
La confiance de ses administrés, Gordillo la doit aussi à sa gestion de la mairie. « Avant d’accepter le mandat, nous devons nous engager par contrat à toujours être les derniers à percevoir un quelconque bénéfice. C’est-à-dire que si nous décidons, lors d’une assemblée, d’attribuer de nouvelles maisons et qu’un élu en a besoin, il sera toujours le dernier sur la liste. Pour ce qui est de la rémunération, nous ne touchons rien. Je n’ai jamais rien touché pour faire de la politique. Je suis enseignant, c’est de ce travail que je vis. »
Silvia Grijalba(traduction par correspondant)

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