Situation socioéconomique
Ciudad Juárez est une ville frontalière avec les Etats-Unis de 1,3
million d’habitantEs, située dans la région désertique de l’état
mexicain de Chihuahua et reliée par un pont à la ville d’El Paso au
Texas. C’est la plus importante zone franche industrielle du Mexique. On
dénombre plus de 350 maquiladoras, ces usines d’assemblage de biens destinés à l’exportation, dont des entreprises canadiennes.
Le tiers de la population économiquement active de Ciudad Juárez est
composé de migrantEs provenant des régions défavorisées des États de
l’intérieur du Mexique. Ils arrivent par centaines chaque mois pour
trouver de l’emploi, mais aussi pour tenter de traverser la frontière
lorsque les économies amassées seront suffisantes pour engager un
passeur.
Le développement des infrastructures sociales n’a pas suivi le
développement industriel et la forte croissance démographique, qui se
sont fait de façon rapide et anarchique. C’est ce qui a entrainé une
désintégration du tissu social. Le taux de chômage est élevé, la
pauvreté et les inégalités sont endémiques, ce qui fait de Ciudad Juárez
un terrain fertile pour la prostitution, la toxicomanie, la
contrebande, le narcotrafic et la corruption.
Juárez, ville meurtrière
À Ciudad Juárez, où deux puissants cartels mexicains se disputent le
marché de la vente de drogue, le taux de criminalité est très élevé.
Après avoir été la ville la plus violente du Mexique, elle est depuis
peu au premier rang mondial en terme de criminalité.
En 2010, on a dénombré 3 100 morts violentes, contre 2 6501
en 2009. Le gouvernement affirme que le nombre d'assasinats a baissé en
2011, passant de 11 homicides par jour en octobre 2010 à quatre
meurtres quotidiens en avril 2011. Cependant, la ville a connu sa
journée la plus meurtrière de l'année 2011 le 12 juillet, avec 21
personnes assassinées le même jour.
Pourtant, c’est à Ciudad Juárez qu’on retrouve la plus grande
concentration d’entités gouvernementales vouées aux questions de
sécurité publique. Au total, 16 217 personnes, dont 8 500 soldats, 4
000 agents de la Police fédérale et 2 850 policiers municipaux.
L’augmentation du niveau de violence serait reliée à la lutte que mène
le gouvernement contre le narcotrafic, qui passe par la militarisation
par ailleurs fort controversée de plusieurs régions du pays.
En fait, depuis les débuts de la répression contre les cartels de la
drogue en 2007, le gouvernement dirigé par Felipe Calderón Hinojosa a
déployé près de 50 000 militaires à travers le pays. On les tient
responsables de 14 000 homicides. Le cas d’Ernestina Ascención Rosario en est un exemple.
Les victimes de Ciudad Juárez
Ciudad Juárez présente une situation grave et inouïe de violence envers
les femmes. Depuis environ 15 ans, des jeunes femmes de milieu modeste
sont enlevées dans la rue, dans des commerces ou à leur domicile. Elles
sont agressées sexuellement, torturées et assassinées.
La situation socioéconomique de la ville, l’anonymat de cette ville
frontalière et le nombre élevé de femmes circulant dans la ville jour et
nuit pour se rendre au travail font de Ciudad Juárez un endroit idéal
pour y commettre des crimes, dont le féminicide.
Depuis 1993, année où furent commis les premiers crimes contre des
jeunes femmes, plus de 500 cadavres ont été retrouvés et 400 femmes
manquent toujours à l’appel. Et ça continue, contrairement à ce
qu’affirment les autorités mexicaines depuis la présidence de Vicente
Fox, à savoir que 80% des crimes commis ont été résolus et les
coupables, punis.
La majorité des victimes avaient en commun d’être jeunes et jolies,
âgées pour la plupart entre 15 et 25 ans ; elles étaient minces et
avaient les cheveux longs. Toutes étaient issues de familles pauvres et
plusieurs d’entre elles n’étaient pas originaires de Ciudad Juárez.
Elles étaient ouvrières dans les maquiladoras, domestiques, étudiantes,
vendeuses, secrétaires, réceptionnistes...
Si le gouvernement accuse les cartels de tous les crimes commis à
Ciudad Juárez et met sur le compte de la violence familiale bon nombre
des meurtres de femmes, d’autres théories expliquent un peu mieux la
réalité:
meurtres en série, trafic sexuel des femmes, groupe d’hommes influents
(ou narcotrafiquants) qui tuent en toute impunité lors d’orgies ou de
cultes sataniques (le plus connu est le culte à Sainte Mort – Santa Muerte.)
L’État mexicain condamné
Les meurtres de femmes font rarement l’objet d’enquêtes rigoureuses,
lesquelles aboutissent rarement et ne font pas la lumière sur l’origine
réelle de ces crimes. C’est pour cette raison que la cause de trois
victimes de Ciudad Juárez a été porté devant la Cour interaméricaine des
Droits de l’Homme (CDIH).
Les victimes étaient Esmeralda Herrera Monreal (15 ans), Claudia Ivette
González (19 ans) y Laura Berenice Ramos Monárrez (17 ans), trois des
huit femmes dont les corps ont été retrouvé dans un champ de coton en
2001.
Dans son jugement rendu le 10 décembre 2009, la CIDH a estimé que
« l’État mexicain avait failli à son devoir d’enquêter et de garantir
les droits à la vie » des trois femmes. La Cour exigait que l’État
mexicain « conduise efficacement le processus pénal en cours pour
identifier et condamner les auteurs de ces crimes ».
Karla Michael Salas, une des avocates représentant les victimes,
affirme que c’est une sentence historique. Elle rappelle que c’est la
première fois en Amérique latine qu’est condamné l’assassinat de femmes
simplement parce qu’il s’agissait de femmes.
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