Les questions posées dans ce poème exigent des réponses. Et c’est
à l’histoire qu’il revient de les fournir. L’histoire se penche sur la succession
d’évènements qui ont abouti à la vie telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Elle raconte comment nous sommes devenus ce que nous sommes. Comprendre cela, c’est
la clé qui permet de savoir si nous pouvons, et comment nous pouvons, changer
le monde dans lequel nous vivons.
« Celui qui a le
contrôle du passé a le contrôle du futur » : ce slogan de l’État
totalitaire mis en scène par George Orwell dans son roman 1984 est toujours
pris au sérieux par ceux qui vivent dans des palais et se paient des banquets.
Depuis l’époque des 1ers pharaons (il y a 5000 ans), les
dirigeants ont présenté l’histoire comme l’inventaire de leurs « prouesses »
et de celles de leurs prédécesseurs. (Exemple
du New Labour et des conservateurs en Grande Bretagne qui veulent imposer le
retour de la simple mémorisation des dates et des noms de leurs listes de rois,
à la façon du Trivial Pursuit). Cela n’aide à comprendre ni le passé ni le
présent.
Relater « l’histoire par en bas », oui, mais de
quelle manière les évènements sont-ils liés entre eux ? On ne peut saisir
la démarche par laquelle l’humanité est parvenue à sa condition présente sans
analyser les modes d’interaction de ces évènements avec de nombreux autres évènements.
On ne peut, par exemple, commencer à connaître le mouvement ouvrier du XIXème
siècle sans l’articuler à la révolution industrielle.
Il n’est pas nécessaire de connaître tous les détails du
passé de l’humanité pour comprendre le schéma général qui a façonné le présent.
Karl Marx a fait
remarquer que les êtres humains n’ont pu survivre sur cette planète que grâce à
l’effort collectif et à la coopération, indispensables pour se procurer leurs
moyens d’existence, et que chaque nouvelle forme d’organisation présidant à la
création de ces moyens a entraîné des changements dans leurs relations en
général. (Des changements dans les forces productives se sont combinés à des
mutations dans les « rapports de production » qui ont, au final,
régulièrement transformé les relations dans l’ensemble de la société.)
Ces changements ne se sont pas produits de façon mécanique.
Des êtres humains ont choisi d’emprunter tel chemin plutôt que tel autre, et
ils ont lutté pour ces choix au cours de grands conflits sociaux. À partir d’un
certain stade de l’histoire, ce sont les positions de classe qui ont déterminé
la manière dont ces choix se sont opérés. Les grandes luttes au cours
desquelles s’est joué l’avenir de l’humanité furent toujours en partie des
luttes de classes. La séquence de ces grands conflits fournit l’architecture de
base que le reste de l’histoire prolonge.
Les individus, les idées, ne peuvent jouer un rôle qu’en
fonction du développement matériel préalable de la société, de la façon dont
les humains assurent leur subsistance et de la structure des classes et des États.
Le squelette n’est pas le corps vivant. Mais sans le squelette, le corps ne
pourrait survivre.
Faisons face à 2 préjugés :
1/ Les caractéristiques
fondamentales des sociétés successives et de l’histoire humaine seraient le
résultat d’une nature humaine « immuable » (les êtres humains
ont toujours été cupides, compétitifs et agressifs, ce qui expliquerait les
horreurs de la guerre, de l’exploitation, de l’esclavage et de l’oppression des
femmes) : FAUX. La « nature
humaine » est le produit de notre histoire et non sa cause. Notre histoire
est aussi celle de la formation de natures humaines différentes, chacune
remplaçant la précédente au cours de grandes luttes économiques, politiques et
idéologiques.
2/ Bien que la société
humaine ait pu évoluer dans le passé, elle ne changera plus (Francis
Fukuyama, Conseiller du département d’État américain a prétendu en 1990 que
nous assistions à la « fin de l’histoire, ce que les médias ont opiné dans
le monde entier.) : FAUX. Le
capitalisme, comme système d’organisation de la production à l’échelle d’un
pays entier, est à peine vieux de 3 ou 4 siècles. En tant que mode d’organisation
de la production mondiale, il a, tout au plus, 150 ans d’existence. Le
capitalisme industriel, avec ses énormes agglomérations urbaines, n’a commencé
à exister, dans de vastes parties du monde, qu’au cours des 50 dernières années.
Pourtant, les hominidés vivent sur la Terre depuis au moins 1 million d’années,
et les humains modernes depuis plus de 100 000 ans. Il serait proprement
extraordinaire qu’un mode d’organisation économique et social qui ne représente
que 0.50 % de la durée d’existence de l’espèce humaine soit destiné à se
prolonger indéfiniment, à moins bien sûr que notre espérance de vie ne soit très
réduite. Marx avait raison au moins sur
un point : « Pour la
bourgeoisie, il y a eu une histoire, mais il n’y en a plus ».
Bilan de ce XXème
siècle :
Nous vivons dans un monde où, compte tenu des avancées humaines importantes
dans le domaine du contrôle et de la domestication des forces de la nature, ces dernières ne devraient plus faire mourir
des hommes de faim ou de froid et où des maladies qui naguère terrifiaient les
populations devraient avoir disparu depuis longtemps.
Mais cela n’a pas empêché la destruction périodique de
centaines de millions de vies, par la faim, la malnutrition ou la guerre. Un XXème
siècle dans lequel le capitalisme industriel a finalement pris possession de
toute la planète où même le paysan ou berger le plus isolé dépend aujourd’hui
aussi, à un degré ou à un autre, du marché. Un siècle de guerres, de génocides,
de famines, d’une barbarie sans équivalent dans le passé. Période où l’ancien bloc de l’Est s’est
massivement appauvri, où des famines et des guerres civiles apparemment sans
fin se sont multipliées dans diverses parties de l’Afrique, où près de la
moitié de la population de l’Amérique latine a vécu en dessous du seuil de
pauvreté, où une guerre de 8 ans a éclaté entre l’Iran et l’Irak, et où des
agressions militaires sanglantes contre l’Irak et la Serbie ont été menées par
des coalitions regroupant les plus puissants États du monde.
Cependant, l’histoire n’est
pas finie…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire